« J’aime le son d’un sourire », c’est curieux, mais quand elle le dit, lumineuse, on l’entend. Marjorie Blériot est comédienne. « Je me considère comme un artisan, je suis libre de faire des trucs qui m’intéressent. Mon moteur, c’est le rire et le ludique. Est-ce que j’ai des choses à dire ? Peut-être que je suis juste un amuseur public ». Pourtant, Marjorie se verrait bien incarner des personnages dramatiques. « J’adore Musset. Si j’étais un homme, je rêverais d’être Perdican dans On ne badine pas avec l’amour ». Elle est parisienne « je suis métisse : moitié prolo, moitié bourgeoise ». Un père informaticien d’origine populaire et une mère au foyer issue des beaux quartiers qui s’est lancée dans la chanson et le cabaret une fois ses enfants partis. Chez les Blériot on vivait entouré de livres. « Moi je suis fan de littérature scandinave. Le suédois Gustav Torgny Lindgren qui mélange mythologie scandinave et récits bibliques me fascine. Je n’ai pas été catéchismée, rit-elle, donc je n’ai pas beaucoup de culture religieuse, là, j’apprends plein de choses ».
« Le théâtre, j’ai toujours voulu faire ça ». Elle prend des cours très tôt et lâche la fac pour faire une école pluridisciplinaire mêlant théâtre, cirque et chant. « J’ai besoin de me dépenser sur un plateau et je ne voulais pas être dans cette compétition permanente inhérente au conservatoire ». Vers l’âge de 22 ans elle commence à donner des cours, « pas juste pour l’enseignement du théâtre, mais pour aider les gens à aller mieux. Certaines personnes, verrouillées physiquement, se révèlent et s’illuminent en jouant ». C’est par ce biais qu’elle a commencé à écrire. « Je menais des ateliers enfants et j’en avais marre qu’ils soient dans le par-cœur. Je leur ai demandé d’improviser pour écrire à partir de la matière qu’ils inventaient ».
Depuis qu’elle est arrivée en Bretagne au début des années 2000 et peut-être parce qu’elle est devenue maman, elle ne se met plus la pression, « je bosse avec les gens que j’aime, c’est une liberté extraordinaire ». Elle pouffe, « ici, on joue moins souvent qu’à Paris, mais au moins on ne joue pas devant une salle vide ». Avec Christophe Le Cheviller, le père de ses trois enfants, elle a monté la compagnie Des gens comme tout le monde, pour créer des spectacles qui leur ressemblent.
Mes textes
« L’Art de la joie, de Goliarda Sapienza. C’est rare les bouquins qui te donnent une autre perception des choses. J’aime aussi tous les livres de Torgny Lindgren et la littérature scandinave en général ».
« Pour le théâtre, Alfred de Musset et William Shakespeare. Sublimes. Et en littérature, encore, Romain Gary, que j’adore ».
Mes sons
« Le petit bruit des cailloux quand tu marches dessus, celui du vent dans les feuilles. Les sons d’une cour d’école, le bruit de la neige qui tombe »
« Macha Bérenger, avec un souvenir précis. Je venais d’emménager et j’avais lâché mes petits boulots pour ne plus faire que du théâtre. Je déballais mes affaires en écoutant Macha. En fin d’émission, un monsieur l’a appelée. Il avait perdu sa femme l’année d’avant et lui disait qu’à l’époque, le fait d’avoir téléphoné l’avait aidé. Il s’était senti écouté. Et tout-à-coup il a poussé un cri déchirant. Mais un truc tragique. C’était glaçant. Et hop, l’émission s’est arrêtée. C’était hyper étrange, surtout avec ce que j’étais en train de vivre ».
Mes images
« J’aime les images pour ce qu’elles me renvoient en émotion. Pas du tout dans un sens esthétique. Quand je pense à des images, ça va être des brochettes de vieux sur un banc, un type qui fait la manche dans la rue. Mais j’aime les peintures de Jérôme Bosch, pour leur côté ludique. Et aussi celles de Gustav Klimt ».